Tony’s Chocolonely, une internationalisation réussie

L’article présente la montée en puissance de Tony’s Chocolonely. Différents enseignements clés issus de l’internationalisation de l’entreprise sont également présentés.
Sommaire
1. Connaissez-vous la célèbre marque de chocolat Tony’s Chocolonely ?
2.Tony’s Chocolonely, un parcours inspirant à l’international
3. Apprentissages-clés de l’internationalisation
4. Les ambitions de l’entreprise
5. Et au niveau systémique ?
6. Le mot (conseil) de la fin ?
Connaissez-vous la célèbre marque de chocolat Tony’s Chocolonely ?
Fondée en 2005 aux Pays-Bas, l’entreprise sociale Tony’s Chocolonely commercialise des produits chocolatés. Son ambition principale : mettre un terme à l’exploitation dans l’industrie du cacao. L’entreprise est née d’un constat alarmant. Au Ghana et en Côte d’Ivoire, au moins 30 000 personnes seraient victimes d’esclavage moderne dans l’industrie du cacao.
L’entreprise s’est donné pour mission de changer l’industrie et de travailler à résoudre les trois principaux problèmes :
- Elle lutte contre l’extrême pauvreté des producteurs de cacao, à l’origine des problèmes de l’industrie ;
- Elle développe un programme visant à éradiquer le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement ;
- Elle lutte contre la déforestation.
Au fil des années, l’entreprise néerlandaise est devenue un acteur mondial, présent dans plus de 50 pays. Elle dispose de bureaux à New York, Londres, Hambourg et Salzbourg. En 2022, Tony’s atteint 150 millions d’euros de chiffre d’affaires. Elle devient ainsi l’un des plus grands fabricants de chocolat des Pays-Bas.
Zoom sur Paul Schoenmakers
Paul Schoenmakers a rejoint Tony’s Chocolonely en tant que responsable de l’impact de 2017 à 2023. Sa mission : piloter la stratégie internationale de développement durable de la marque qui s’appuie sur une chaîne d’approvisionnement en cacao durable. Pour cela, il à travailler avec les producteurs de cacao et les coopératives au Ghana et en Côte d’Ivoire. Il a également mis en place un programme de partenariat pour embarquer d’autres industriels à rejoindre la mission Tony’s.
En parallèle, il a mené un plaidoyer actif auprès des gouvernements, ONG et organismes de labellisation.
Paul Schoenmakers nous retrace l’ascension de Tony’s Chocolonely ci-dessous.
“Tony’s Chocolonely est une organisation à impact qui fabrique du chocolat et non une marque de chocolat qui tente d’avoir de l’impact.” |
Tony’s Chocolonely, un parcours inspirant à l’international
En 2017, Tony’s se lançait sur le marché américain, dominé par de grandes marques déjà bien implantées. L’entreprise s’approvisionnait auprès de coopératives agricoles situées en Côte d’Ivoire et au Ghana. Ces deux pays représentent environ deux tiers de la production mondiale de cacao.
L’objectif derrière la stratégie d’internationalisation aux Etats-Unis était de montrer qu’il était possible de faire du chocolat, de manière durable et éthique. Tony’s voulait aussi inspirer les grandes marques à adopter des pratiques responsables. Pour impulser ce changement, Tony’s Chocolonely s’est rendu compte qu’il lui fallait être présent sur les grands marchés nationaux.
“Il ne s’agissait pas simplement d’implanter notre entreprise et son produit ; ce qui importait était de montrer que la façon de travailler dans cette industrie pouvait évoluer et qu’elle pouvait passer à l’échelle internationale.” |
La stratégie d’internationalisation
L’expansion internationale de Tony passe par plusieurs étapes et se fonde sur l’intérêt stratégique du marché. L’organisation identifie trois catégories de marchés :
● Les marchés Or : les grands marchés du chocolat, où la présence des grandes marques est forte,
● Les marchés Argent : des marchés importants proches des Pays-Bas, importants pour la notoriété et le développement de la marque.
● Les marchés Bronze : qui offrent des opportunités de croissance rapide.
Tony’s travaille avec des distributeurs sur les marchés Bronze et Argent pour limiter les investissements directs. Sur les marchés Or, l’entreprise déploie ses propres équipes locales pour renforcer son ancrage. Cela permet un meilleur storytelling, plus d’engagement client, mais demande plus de ressources. Cette approche est coûteuse, mais c’est la plus efficace pour construire une présence forte et crédible.
Les enjeux d’une stratégie à plusieurs étages
Les distributeurs avec lesquels Tony’s travaille ont été très enthousiastes à l’idée de collaborer avec une entreprise sociale. Toutefois, deux éléments sont à garder en tête lors que l’on travaille avec des distributeurs :
- D’abord, le message de Tony’s est dilué parmi ceux d’autres marques distribuées.
- Ensuite, le rôle d’intermédiaire rend plus difficile la transmission du message au consommateur final. Avec ses propres équipes, Tony’s peut mieux diffuser sa vision et ses valeurs.
C’est pourquoi elle privilégie une implantation directe sur ses marchés les plus stratégiques.
Quel financement en soutien à l’expansion ?
Financer l’expansion de Tony’s a été un défi, mais l’entreprise a pu y parvenir grâce à ses activités aux Pays-Bas et, plus tard, avec l’aide d’investisseurs. Lorsque les volumes de production ont augmenté, l’entreprise a dû recourir à des fonds extérieurs pour soutenir l’accroissement d’activité et est alors parvenue à lever des fonds auprès d’investisseurs privés qui partagent leur volonté de changer l’industrie du cacao à l’échelle mondiale.
Apprentissages-clés de l’internationalisation
L’un des enseignements clés de cette phase d’expansion a été l’importance de maintenir un pitch cohérent tout en s’adaptant aux spécificités et pratiques locales.
Exemple : aux États-Unis, Tony’s a dû ajuster son ton et son storytelling pour mieux correspondre à la culture américaine, le pays étant plus sensible aux discours positifs mettant en avant la solution et ses perspectives plutôt que les messages centrés sur le problème à résoudre.
Dans chaque pays où l’entreprise s’est implantée, il était nécessaire d’adapter le discours et de le faire résonner localement.
Adapter son discours : les trois leviers de Tony’s
Pour développer cette stratégie, l’entreprise s’est appuyée sur une feuille de route simple qui repose sur trois piliers :
🔹 Sensibiliser : atteindre de nouveaux marchés et établir la réputation de l’entreprise.
🔹 Montrer l’exemple : mettre en valeur le fonctionnement de l’organisation et démontrer son impact en termes d’amélioration des conditions de vie et des revenus des cultivateurs de cacao, d’éradication du travail des enfants, de traçabilité des produits, de lutte contre la déforestation, etc.
🔹 Inspirer pour agir : Malgré sa croissance rapide (25 à 50 % d’une année à l’autre), Tony’s sait qu’elle ne pourra jamais être la seule marque de chocolat au monde. C’est pourquoi l’organisation a lancé « Tony’s Open Chain », un programme qui invite d’autres entreprises à collaborer pour s’approvisionner en cacao de manière éthique et durable. L’objectif est d’élargir l’impact de l’industrie dans son ensemble.
Le plus grand détaillant des Pays-Bas a été le premier à rejoindre Tony’s. Il a mis en commun son approvisionnement en cacao avec celui de la marque. D’ici 2024, plus de 15 entreprises l’auront rejoint, parmi lesquelles le glacier Ben & Jerry’s et Aldi. Cette dynamique contribue à renforcer l’impact de Tony’s.
Pour les entreprises participantes, rejoindre Tony’s signifie s’engager dans une démarche de développement durable et de protection de l’environnement. C’est aussi l’occasion de s’appuyer sur un programme déjà testé et éprouvé, plutôt que de réinventer la roue. Cela tombe à point, car les certifications actuelles du cacao ne suffisent pas à résoudre tous les problèmes du secteur.
L’importance des Ressources Humaines dans le processus d’internationalisation
Pour l’entreprise sociale, la construction des équipes locales a été un facteur-clé de succès. Pour constituer ses équipes locales, Tony’s a recherché des personnes avec des compétences spécifiques mais aussi des profils démontrant un engagement fort envers la mission sociale de l’entreprise (tout en ayant conscience qu’elle ne pouvait pas offrir les mêmes salaires que les grands industriels du secteur).
Maintenir l’adhésion autour de la vision de Tony’s a constitué un challenge permanent tout au long du processus d’expansion. L’expansion implique un engagement constant pour accompagner et inspirer les individus et les équipes dans la mission sociale de l’entreprise, tout en les tenant informés des résultats.
La clé du succès selon Paul :
» Il tient à l’essence même de notre mission : notre histoire et notre marque sont fortes. Nous avons pu compter sur le soutien de l’entreprise mère aux Pays-Bas pour développer un modèle d’impact qui fonctionne : un modèle qui repose sur du cacao traçable, issu de producteurs directs en Côte d’Ivoire et au Ghana, à qui nous reversons le revenu minimum légal, tout en éradicant le travail des enfants et en établissant des mesures de qualité sur notre chaine d’approvisionnement. Tout cela contribue à renforcer la crédibilité de l’histoire que nous racontons.” |
Les ambitions de l’entreprise
Tony’s n’est qu’au début de son expansion internationale et a pour ambition de couvrir 5% des productions ivoiriennes et ghanéennes dans les 5 à 10 prochaines années (elle est aujourd’hui de 1%). Lorsque Tony’s représentera 5% de la production totale de l’Afrique de l’Ouest, l’entreprise deviendra alors un acteur significatif face à des acteurs comme Mars ou Nestlé. Ce poids économique associé à l’efficacité du programme « Tony’s Open Chain » mettra une pression accrue sur les grandes marques pour que celles-ci suivent le mouvement.
Et au niveau systémique ?
Le fait que la « chaîne ouverte de Tony » comprenne désormais plus de 15 entreprises ouvre la voie et montre qu’il est possible de travailler de manière responsable dans ce secteur. Cela dit, certaines organisations continueront à ignorer les problèmes du secteur, d’où la nécessité d’une réglementation. Tony’s peut montrer ce qui peut être fait, mais il ne peut le faire seul. C’est pourquoi l’organisation a travaillé activement avec les gouvernements du Royaume-Uni et des Pays-Bas, et plus particulièrement à Bruxelles, pour faire pression en faveur d’une meilleure législation. Et ce n’est pas sans succès puisque l’UE a récemment adopté une réglementation visant à responsabiliser davantage les entreprises vis-à-vis de leurs chaînes d’approvisionnement.
Le mot (conseil) de la fin
Pour Paul, il est important d’avoir une mission claire et d’être bon à tous les niveaux lorsque l’on s’engage dans un processus d’internationalisation:
“Si vous êtes très motivé·e par votre mission mais que votre produit n’est pas bon, les gens ne l’achèteront pas, même s’ils reconnaissent vos efforts. Il faut donc une marque attrayante, les bons programmes, un bon produit et des résultats. Sans cela, il sera difficile d’évoluer avec succès !“ |
Pour en savoir plus
📙Retrouvez leur rapport d’impact 2021 : https://tonyschocolonely.com/fr/fr/rapport-fair-annuel/rapport-fair-annuel-2020-2021
🎥 Retrouvez notre interview intégrale en anglais: https://youtu.be/JMegVVJneR4?si=M5yE3ZukGeTUkAE8/ https://youtu.be/rzT5e1vbU4M?si=K43r32fv2umZ7ilU
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